CC du 28 mai 2018 – Vote du texte de la motion « Commune Hospitalière »

Texte adopté par Pierre-André Damas et Yves Guévar

Braine-le-Comte, commune hospitalière

La Belgique,  notamment la région du centre où se situe la ville de Braine-le-Comte est marquée par l’histoire des migrations. La mobilisation actuelle autour des communes hospitalières a pour objectif de défendre une vision des communes où la peur, le rejet de l’ «étranger» et le repli sur soi ne constituent pas notre unique horizon et où solidarité rime avec rencontres, avec partage, et avec dignité.

Certains d’entre nous se sont un jour mobilisés parce qu’une famille de demandeurs d’asile allait être expulsée. D’autres d’abord opposés à la venue de réfugiés ont appris à les connaitre.  A la méfiance a succédé la rencontre.

Si les compétences en matière d’entrée, de séjour et d’éloignement des étrangers sont fédérales, que l’intégration est une compétence régionale, les collectivités locales sont néanmoins un acteur clef de l’accueil, de l’hospitalité et du respect des droits des migrants. Elles peuvent créer un cadre qui permette de sensibiliser leur population et d’améliorer l’accueil et le séjour des migrants qui résident sur leur territoire. Les migrants – quel que soit leur statut de séjour (demandeurs d’asile, réfugiés ou sans papiers) – doivent être considérés par la communauté locale comme des habitants comme les autres et doivent pouvoir jouir des droits qui leur sont donnés afin de participer pleinement à la vie locale.

Vu les engagements européens et internationaux pris par la Belgique pour le respect des droits fondamentaux des personnes et en particulier des plus vulnérables (Déclaration universelle des droits de l’homme, Convention européenne de sauvegarde des droits de l’homme, Pacte international relatif aux droits économiques, sociaux et culturels, …) ;

Vu les engagements pris par la Belgique en matière de protection des réfugiés dans le cadre de la Convention de Genève de 1951, et notamment les engagements de la Belgique pris en matière de relocalisations et de réinstallations ;

Vu l’article 23 de la Constitution belge garantissant à chacun le droit de mener une vie conforme à la dignité humaine et de jouir de droits économiques, sociaux et culturels ;

Considérant que l’Europe et le monde traversent une période où les migrants sont de plus en plus considérés comme des menaces pour nos sociétés, que l’orientation en Europe inquiète de nombreux citoyens qui y voient une régression de l’histoire et une négation des valeurs qui ont fondé l’Europe d’après-guerre, que la montée des extrémismes et nationalistes inquiètent de nombreux citoyens car les valeurs qui ont conduit à la fondation de l’Europe sont menacées par ces mouvements politiques ;

Considérant la multiplication des crises de diverses natures et la prolongation des conflits amenant des femmes, des hommes et des enfants à prendre des routes migratoires de plus en plus dangereuses, au péril de leurs vies ;

Considérant que les migrations ont forgé le monde et continueront de le faire, qu’elles soient choisies ou forcées – ou, comme c’est souvent le cas, un peu des deux, que les migrations peuvent constituer une chance et un potentiel pour nos sociétés pour peu qu’une politique active d’accueil soit mise en place ;

Considérant que l’accueil des migrants n’est pas le seul fait des compétences fédérales, que le vivre ensemble relève aussi de l’échelon le plus proche des citoyens que constitue la commune, que c’est à cet échelon que la convivialité, la rencontre peuvent se construire entre tous les citoyens d’une commune, que les communes peuvent aussi faire la différence en prônant l’hospitalité au niveau local ;

Considérant que les communes – même dans un cadre restreint – disposent d’une certaine marge de manœuvre pour permettre aux migrants d’être mieux accueillis et soutenus, quel que soit leur statut ;

Considérant que les institutions communales sont le premier échelon vers lequel les citoyens se tournent, que la confiance tant dans la police que les services administratifs est fondamentale pour le bien vivre ensemble, et qu’il faut éviter une rupture de confiance qui empêcherait les services de fonctionner au mieux qu’il s’agisse de la police, des écoles ou des services communaux de proximité ;

Considérant qu’un meilleur accueil peut faire la différence dans le parcours d’intégration des migrants en leur donnant toutes les chances et en leur permettant de faire partie intégrante de la vie locale ;

Considérant que la ville de Braine-le-Comte a la chance de bénéficier des services d’un CPAS qui met en œuvre tous les moyens légaux dont il dispose pour offrir des conditions de vie dignes à chaque personne présente sur son territoire et qui est à l’écoute de chaque personne qui le souhaite ;

Considérant que tous les services de la ville de Braine-le-Comte mènent des actions basées sur le vivre ensemble et sur le respect commun des valeurs communes à chacun ;

Considérant que la ville de Braine-le-Comte est dotée d’un Plan de cohésion sociale (PCS) qui met en œuvre un ensemble de processus contribuant à assurer à tous l’égalité des chances, l’accès aux droits fondamentaux, et au bien-être économique, social et culturel;

Considérant que l’accueil extra-scolaire, la Maison des Jeunes, les différents mouvements de jeunesse, l’Académie de Musique, Danse et Arts de la Parole, accueillent des enfants de toutes les origines, quel que soit leur statut, et que le CPAS prend en charge les coûts de minerval dans les cas les plus délicats ;

Considérant que le PCS et le CPAS favorisent les activités sportives et culturelles en prenant dans certains cas partiellement en charge les frais de participation ;

Considérant que les écoles communales de Braine-le-Comte mènent aussi une série d’actions afin d’apprendre dès le plus jeune âge le vivre ensemble ;

Considérant que l’ASBL Ce.R.A.I.C. (Centre Régional d’Action et d’Intégration du Centre) collabore avec la commune dans la réalisation de différentes activités liées à l’intégration des personnes étrangères ou d’origine étrangère ;

Considérant l’interpellation du groupe citoyen au Conseil Communal du 12 mars 2018;

 

Considérant que, suite à cette interpellation, un groupe de travail réunissant des mandataires communaux, des représentants du Ce.RA.I.C. et des citoyens touchés par cette problématique a été formé ;

Considérant que les membres de ce groupe ont pris comme base de travail le texte proposé par le CNCD, qu’ils l’ont amendé afin de dégager un texte qui réponde au mieux aux exigences du terrain, aux exigences légales en vigueur, aux difficultés rencontrées au quotidien et qui rencontre au mieux les différents points de vue ;

Considérant que le Conseil communal a prêté la plus grande attention à cette motion, en sa séance du 28 mai 2018;

A l’unanimité

 

DECIDE

Article 1.  Prend la résolution ferme de respecter les droits fondamentaux des migrants présents sur le territoire de la commune,

Article 2.  S’ENGAGE à des actions concrètes visant à SENSIBILISER la population sur les migrations et l’accueil de l’autre en: 

  • sensibilisant les élèves des écoles de la commune, les organisations de jeunesse et les groupes actifs sur la commune ;
  • sensibilisant les fonctionnaires du service population et les agents de quartier aux droits des étrangers, à la diversité et au respect de l’autre ;
  • soutenant les initiatives citoyennes, les bénévoles souhaitant venir en aide aux étrangers, primo-arrivants dans la commune, migrants de passage et demandeurs d’asile ;
  • soutenant des rencontres interculturelles et de moments visant à la déconstruction des préjugés à l’attention de tous les résidents de la commune (Belges, Européens, étrangers avec ou sans papiers) ;
  • organisant des séances d’information à la population en vue de favoriser l’intégration des migrants lors de l’arrivée de ceux-ci sur le territoire de la commune ;
  • informant la population des initiatives citoyennes locales promouvant les activités culturelles, la diversité culturelle présente sur la commune et la rencontre entre les populations ;
  • informant les entreprises locales sur les lois en matière de discrimination et d’exploitation d’êtres humains ;
  • sensibilisant les propriétaires des biens immobiliers au respect de la législation en matière de discrimination au logement ;
  • encourageant un climat de respect mutuel, de confiance, et de convivialité dans la commune.

AMELIORER l’accueil et le séjour des migrants dans le respect des droits humains, par :

 – un accueil administratif de qualité des étrangers résidant dans la commune et des nouveaux arrivants

ACCUEIL

  • dans les cas où l’offre est insuffisante, offrir des guichets, fonctionnaires et plages horaires en suffisance, de manière uniformisée pour toute la population ;
  • accueillir les étrangers individuellement et humainement ;
  • créer un fichier de personnes ressources parmi la population pouvant parler différentes langues via un appel aux citoyens.

INFORMATION DE QUALITE

  • organiser des moments d’information sur les services/aides organisés dans la commune à l’attention de tous les résidents (Belges, Européens, étrangers avec ou sans papiers) ;
  • communiquer spontanément une information correcte et complète sur les procédures de séjour, de mariage/cohabitation légale, d’accès à la nationalité, sur les services existants au sein de la commune et s’assurer que les étrangers comprennent les procédures qui leur ont été présentées ;
  • mettre tout en œuvre afin de délivrer l’information existante sur les services en utilisant les langues des migrants ;
  • faciliter la mise à disposition d’interprètes ;
  • faciliter l’accès au médiateur communal à qui la population peut faire appel qu’elle soit étrangère ou pas.

RESPECT DES PROCEDURES ET DES DROITS

  • garantir le respect des délais légaux fixés (inscriptions au sein de la commune, transmission des dossiers aux autres administrations entre autres l’Office des étrangers et aux régions, délivrance des accusés de réception et annexes, renouvellement des titres de séjour,…) ;
  • appliquer des tarifs identiques pour l’ensemble de la population sans faire de différence entre les Belges et les étrangers ;
  • respecter les compétences communales et ne pas exiger de conditions supplémentaires, non prévues par la loi (par exemple le certificat de coutume en cas de mariage, …) ;
  • être vigilant dans les procédures de radiation et faciliter la procédure de réinscription par la commune ;
  • respecter le droit à la vie privée et familiale lors de l’enregistrement des déclarations de mariage, de cohabitation et de reconnaissance de paternité.

– le soutien à l’intégration des migrants

  • encourager et soutenir l’orientation vers les cours de FLE (Français Langue Etrangère) et de citoyenneté et en faciliter l’accès aux migrants ;
  • donner une information complète sur les parcours d’intégration ;
  • soutenir l’intégration socio-professionnelle des migrants via les organismes communaux compétents (missions locales, bureaux d’aide aux entrepreneurs) et orienter vers les organismes régionaux compétents (FOREM et guichets entreprise) ;
  • soutenir des initiatives d’accès au logement digne, quelle que soit la situation de séjour.

– l’accueil spécifique des demandeurs d’asile et des réfugiés

  • favoriser les rencontres culturelles et sportives entre les habitants et les résidents des centres d’accueil de la commune ou se déroulant à proximité ;
  • délivrer une information de qualité concernant la nationalité belge ;
  • soutenir les initiatives de solidarité de la population locale vers les résidents des centres (collecte de meubles, …) ;
  • orienter vers les structures d’accueil, particulièrement de nuit, les personnes sans-abri, quelle que soit leur nationalité, origine et situation administrative ;
  • soutenir les hébergeurs de la Plateforme Citoyenne de Soutien aux Réfugiés qui résident sur la commune en leur permettant de bénéficier pour les personnes qu’ils hébergent d’une mise en place d’un réseau d’aide dans les soins médicaux ou les orienter vers les structures médicales existantes, telles que celles proposées par le CPAS (aide médicale d’urgence) ;
  • dans le cadre de la transition de l’aide matérielle vers l’aide financière, assurer un accompagnement personnalisé et l’aide à la réinstallation. Le cas échéant, proposer l’ouverture d’une initiative locale d’accueil ;
  • avoir une attention spécifique pour les MENA (mineurs étrangers non accompagnés) en les orientant vers les milieux d’accueil appropriés ;
  • informer la population locale de la possibilité de devenir tuteur pour les MENA
  • favoriser l’intégration scolaire des enfants réfugiés et des MENA.

– le respect des droits fondamentaux des personnes sans papiers et des personnes qui les accueillent

LOGEMENT

  • lors d’éventuelles occupations collectives (de personnes sans papiers) présentes sur le territoire communal : chercher et proposer une alternative de logement pour les occupants;
  • garantir l’accès aux hébergements d’urgence y compris aux personnes sans papiers.

INFORMATION

  • délivrer aux personnes sans papiers une information claire et précise concernant leurs droits (Aide Médicale Urgente, demande de régularisation, scolarité des enfants, aide juridique, mariage, droit au travail…).

SANTE & SCOLARITE

  • Faciliter et renforcer l’accès à l’aide médicale urgente de qualité (entre autres le remboursement de soins dentaires, uniformiser l’accès à la carte médicale urgente pour les sans-papiers n’ayant pas de domicile fixe sur base de la procédure existante pour les sans-abris.…)
  • Délivrer la carte médicale urgente dans les CPAS (carte PRIMA)
  • Faciliter l’inscription des sans-papiers dans les écoles de promotion sociale, les bibliothèques, les centres sportifs de la commune
  • Soutenir au maximum les jeunes scolarisés (y compris les sans-papiers) dans leur scolarité

ARRESTATION

  • bien préciser les motifs de convocation dans les courriers adressés par les communes aux sans-papiers, comme le rappelle la Cour Européenne des Droits de l’Homme prononcé dans son arrêt Conka contre la Belgique ;
  • faire respecter l’article 15 de la Constitution qui stipule le principe d’inviolabilité du domicile où la personne réside en ne procédant à aucune arrestation sans mandat du juge, ne pas utiliser des procédés comme des ruses qui viseraient à contourner le principe fondamental de l’inviolabilité du domicile ;
  • faire primer le statut des victimes lors d’une plainte déposée par une personne sans-papier (permettant ainsi de construire une police de proximité dans laquelle tout citoyen a confiance pour dénoncer des infractions) ;
  • ne pas procéder à des arrestations sur base de l’irrégularité du séjour des personnes, des enfants ou des familles sans papiers sur le chemin de l’école, aux abords des écoles, à la sortie des lieux de culte, dans les lieux ou les services d’aides sont offerts, dans les transports en commun, lors de rassemblements culturels sportifs ou associatifs ;
  • ne pas fonder les opérations de contrôle d’identité sur la base d’un profilage ethnique ;
  • ne pas permettre à la police zonale (sur ordre de l’OE) de procéder à l’arrestation de personnes ayant fait la demande de regroupement familial et de bien respecter la non arrestation des personnes se trouvant en procédure de regroupement familial et/ou ayant un ou des enfants qui réside(nt) sur le territoire communal

 

Article 3. REFUSE tout repli sur soi, les amalgames et les propos discriminatoires qui font des migrants des ‘boucs émissaires’ et enferment des milliers de personnes dans des zones de non-droit.

Article 4. S’ENGAGE à évaluer annuellement le suivi des actions concrètes en faveur des présents engagements.

Article 5. INVITE les autorités belges compétentes et concernées à remplir pleinement leurs obligations européennes en matière de relocalisation et de réinstallation des réfugiés et se déclare solidaire des autres communes d’Europe ou d’ailleurs, confrontées à un accueil important de réfugiés.

Article 6. REITERE son engagement en faveur d’une politique migratoire belge digne et respectueuse des personnes en assurant les droits fondamentaux des migrants.

Article 7. MARQUE sa ferme opposition à toute forme de politique migratoire qui entraîne des violences et des violations des droits humains des personnes migrantes;

Article 8. Pour toutes ces raisons, déclare Braine-le-Comte Commune Hospitalière.

 

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